La déconnexion des élites

Comment internet dérange l’ordre établi. Une enquête de Laure Belot
Journaliste au Monde, Diplômée de l’ESSEC, Ingénieure chimiste, ancien conseil en stratégie.

la-deconnexion-des-elitesFiche de lecture de l’ouvrage

A chaque révolution technologique, les acteurs privés sont apparus plus agiles que les pouvoirs en place, pour saisir, comprendre et transformer les idées et pratiques émergentes.Un iPhone est plus puissant que 
l’ordinateur de la fusée Apollo en 1970. Armés d’ordinateurs et de smartphones, les citoyens testent, imaginent, contournent les lois, souvent sans en être même conscients, pour communiquer, acheter, s’exprimer, apprendre différemment.Par exemple, depuis 2006, date de son lancement, 35 millions de français, soit 8 internautes sur 10, ont déjà utilisé
 leboncoin.fr pour acheter ou vendre. Leboncoin a révolutionné, sans que personne ne l’ait anticipé, plusieurs marchés nationaux : celui de l’immobilier, des véhicules d’occasion, de la recherche d’emploi, de la location de vacances, laissant sur place par exemple De particulier à particulier, la Centrale, l’Argus, Monster, Keljob. Il bouscule de fait des métiers intermédiaires tels que les agents immobiliers et les concessionnaires automobiles.D’autres mutations sont à l’œuvre, désarçonnant les acteurs traditionnels, tel Airbnb dans le secteur de l’hôtellerie. Des clones surgissent partout : 9flats et Wimdu en Allemagne, Bedycasa, Chambrealouer, Sejourning, Morning-croissant en France, Roomorama à Singapour…La même chose se produit dans le secteur du transport personnel : Drivy, Ouicar en France, Getaround ou Relayride aux USA ou du covoiturage : Blablacar pour l’instant en France, mais qui ambitionne de s’internationaliser, Carpooling en Europe, Carpoolworld aux USA ou encore MyRideBuddy à Singapour…Toutes les grandes entreprises sont ou vont être bousculées et risquent de disparaître si elles ne s’adaptent pas fondamentalement. La concurrence peut venir de partout : par exemple d’un logiciel de voitures auto-conduites de Google pour tous les constructeurs automobiles…Du point de vue Marketing, nous voyons apparaître des niches de masse : des produits pointus diffusés numériquement et mondialement qui se vendent massivement à une petite catégorie de gens.Partout les citoyens réinventent la société à leur échelle : ainsi, tout amateur cuisinier crée sa propre table d’hôtes à domicile : Cookening en France, Eatwith en Israël, Mealtango en Inde, Kitchhike au Japon, Bonappetour à Singapour…A Paris, un évènement OuiShare Fest met en lumière les multitudes d’innovations issues de la société dans le domaine de l’économie collaborative, la consommation collaborative et le partage et échange de biens et services, tout comme le fait Share Event, son grand frère à San Francisco.Les élites sont dépassées par le numérique, dont elles ne comprennent pas les usages…Feedbooks propose la lecture de livres numériques libres de droit (15 000 ouvrages actuellement en 5 langues)…Les utilisateurs de ces nouveaux sites voient ainsi leur pour d’achat augmenter…A l’occasion de ces utilisations, les entreprises Google, Apple, Facebook, Amazon (dites les GAFA) ont pris de l’avance. Elles recueillent et traitent ce qu’on appelle le Big Data, les données générées par chacun d’entre nous, sur nos habitudes, nos géolocalisations, nos achats, nos surfs sur le net, etc. Ils exploitent et vendent ces données pour notamment des opérations marketing, des propositions, des publicités ciblées. Le net est gratuit, mais il est financé par toutes ces opérations qui façonnent probablement nos comportements.Internet est devenu le reflet de notre humanité : espace de créativité certes, mais également lieu de toutes les fraudes, duperies, dominations et prédations.

Quelles régulations et quels gouvernements demain ?

Les gens veulent être acteurs là où ils vivent.

L’enseignement classique est périmé : pas assez d’entrepreneuriat, de transdisciplinarité, de digital, d’innovation sociétale…

Des associations d’étudiants (Noise à l’ESCP, des associations sœurs à l’Essec, à Agro Paris, Sciences Po) se réunissent à la CIY Night (change it yourself) pour réfléchir à rendre l’école plus en phase avec l’époque, pour repenser la façon d’apprendre. Voir l’