Michelin revoit la gouvernance de sa politique de R&D pour accélérer son rythme d’innovations. Après la mise en place de ses « organisations responsabilisantes » où le rôle de la hiérarchie a été complètement revu au service des employés, Michelin revoit la gouvernance de sa politique de R&D en misant sur la sérendipité.
Les organisations responsabilisantes lui ont permis de passer de la manufacture à la cerveaufacture en relançant massivement ses gains de productivité, chacun étant rendu responsable de ses décisions à son niveau avec le concours de ses pairs et de toute personne qu’il souhaite consulter quel que soit le niveau hiérarchique de cette dernière.
Une nouvelle politique en matière de R&D …
La nouvelle étape consiste à revoir les modes de fonctionnement du nouveau centre de recherche/développement à Ladoux, près de Clermont-Ferrand, au sein duquel l’entreprise a investi 280 millions d’euros sur 450 m2 et regroupé 3400 personnes de 41 nationalités venant de ses différentes implantations dans le monde, soit plus de la moitié des effectifs R&D de l’entreprise.
Selon son Président, Jean-Dominique Senard : « ce centre change complètement de nature par rapport au précédent. Autrefois, chacun travaillait en silos. Désormais les chercheurs pourront fonctionner en plates-formes. Cela correspond à un besoin vital pour l’entreprise ».
Ainsi 350 métiers se mélangeront au sein d’équipes pluridisciplinaires changeantes : spécialistes de l’hévéa, chimistes, mathématiciens, mécaniciens, experts de l’impression en 3D, etc…
… couplée avec un outsourcing performant
Mais cela se double également avec un outsourcing de la R&D par le biais de la constitution d’associations avec des startups, des laboratoires, des universités et même d’autres entreprises.
Ainsi Jean-Dominique Senard ajoute-t-il qu’il « croit impossible aujourd’hui de réaliser des innovations totalement en interne. Près d’un quart de notre recherche fondamentale se fait maintenant avec des partenariats extérieurs. Ce n’est pas pour autant que nos secrets sont divulgués ».
Reste probablement à Michelin à concevoir un accord collectif qui accompagne cette nouvelle donne en changeant par le contrat collectif, notamment le droit positif de la propriété intellectuelle et du partage des royalties, en vue de motiver et sécuriser les équipes pluridisciplinaires. Voir, à ce propos, notre article publié à la fondation Jean Jaurès qui aborde en particulier ce sujet en cliquant sur le lien suivant.
… et du grain à moudre en matière de QVT (Qualité de Vie au Travail)
Il y aurait là du grain à moudre pour les syndicats de Michelin (avec une véritable consultation préalable des salariés concernés). Mais les syndicats de salariés de l’entreprise ne montrent pour l’instant aucune appétence en ce domaine, restant passifs en se limitant à craindre que les fabrications issues de ces innovations soient implantées notamment en Chine avec une baisse de l’emploi industriel en France.
Difficile de regarder devant soi, lorsqu’on est habitué à regarder dans le rétroviseur pour n’y voir que l’échange de la subordination (la liberté du salarié) contre toujours plus de protection sociale !
La cerveaufacture, pourtant incontournable si on veut sauver l’emploi dans les pays industriels, a vraiment du mal à faire son chemin dans les têtes de certains !
Voir l’article publié dans Le Monde du 18-19 septembre 2016 en cliquant ici .