L’organisation taylorienne de la fonction publique

Ce texte a été établi à la suite d’interviews de fonctionnaires cadres de catégorie A (par définition appartenant à un corps d’état).

Le principe taylorien de la division du travail est non seulement pleinement appliqué dans la fonction publique, mais probablement exacerbé.

L’organisation d’une administration centrale publique comprend une hiérarchie fonctionnelle pléthorique. S’agissant simplement de la couche des fonctionnaires de catégorie A, il peut y avoir 5 niveaux à partir du chargé de mission : chef de bureau, chef de service, chef de département, adjoint au directeur et directeur.

Si l’on y ajoute les salariés de catégorie B et C, on peut arriver à une dizaine de niveaux : une véritable usine à gaz.

Examinons le circuit d’une prise de décision ordinaire et de son application effective.

Pour cela, nous prendrons le cas d’une note de position (cette dernière sert à informer le cabinet ministériel d’une situation donnée en vue de faire valider une décision par le ministre ou son directeur de cabinet et de déboucher sur une application effective).

La note de position est d’abord rédigée par le chargé de mission, puis elle est validée par chaque niveau hiérarchique qui ajoute sa contribution, bien souvent d’ordre rédactionnelle plus que de fond (comme une ponctuation ou une tournure de phrase). Entre le premier jet et la finalisation du document, il peut se passer plusieurs jours. De plus, entre la finalisation et l’effectivité d’une prise de décision sur le terrain, il peut se passer plusieurs mois dans la mesure où la décision doit être connue par les différents niveaux administratifs territoriaux puis mise en œuvre par le niveau ad hoc.

Le système tient par une sélection à l’entrée des fonctionnaires sur la base de concours (qui font appel à de réelles compétences à un instant t, mais qui ne sont pas forcément utiles au quotidien) et sur un avancement fondé sur l’ancienneté (qui ne garantit pas une performance des individus dans le temps, d’autant plus que la formation continue n’est pas obligatoire, à supposer qu’elle soit pertinente).

Que faire pour changer les choses ?

Certainement et en priorité s’appuyer sur l’avis des intéressés eux-mêmes, via l’organisation d’une expression collective et directe, sachant que la plupart des fonctionnaires sont habités par :

  • un désir de servir les citoyens, qui est la base du service public,
  • un désir d’apporter des solutions intelligentes et pérennes,

… mais qu’il y a aussi probablement aussi une soif que soient bien mieux valoriser les talents et les mérites de chacun en tant que tel, notamment en termes de reconnaissance et de revenus.

A cet égard, on se reportera à l’expérience belge du ministère des transports, comme à celle du ministère belge de la sécurité sociale.

Les thèmes à aborder pour détayloriser la fonction publique

La progression à l’ancienneté, les recrutements dans des corps fermés, leur nombre excessif, l’existence de grilles, d’échelons, de grades, d’un emploi garanti à vie, des modes de formation inadaptés, un manque et un frein aux mobilités, sont certainement des facteurs à faire évoluer.

L’idée générale est de libérer les énergies, de faire confiance, de favoriser les initiatives et les innovations, de croiser les besoins avec les expériences de l’ensemble des parties prenantes sur le terrain, de faire appel aux évaluations par les pairs et les usagers considérés comme des clients, de mieux reconnaître et rémunérer les services effectivement rendus, etc…

Un changement de paradigme économique s’impose avec une évolution nécessaire du consumérisme, une autre distribution des revenus favorisant le travail créatif au lieu d’un repli sur le travail prescrit et contraint, une nouvelle façon d’organiser la prise de décision de façon participative et non plus seulement « élective », des prises de décision décentralisées et subsidiarisées, etc…

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