Principaux points du projet de loi « Travail » avant sa remise en cause

Nous faisons ci-après une revue rapide des principaux points du projet de loi « Travail » lorsqu’il a été présenté à son origine et donc avant sa remise en cause par différents partenaires sociaux et organisations d’étudiants depuis plusieurs semaines.

On y verra notamment que n’est en aucun cas remis en cause le lien de subordination qui, selon nous, est le principal obstacle au développement d’un travail compétitif, permettant la réalisation de chacun, la mobilisation et la remotivation de tous en vue d’un renouvellement effectif de la croissance et l’insertion de notre pays dans une économie mondiale hyper-compétitive.

Rien n’est fait pour développer un véritable dialogue social fondé sur les desiderata des salariés et des chefs d’entreprise du terrain par un véritable droit à l’expression directe et collective des salariés.

De fait, le dialogue social est confisqué par des corps intermédiaires qui continuent de précipiter, avec ses analyses théoriques, le pays vers un appauvrissement inéluctable de sa population.

Dès que les différents aménagements en cours concernant ce projet de loi seront stabilisés, nous vous en ferons part. Nous pouvons d’ores et déjà faire le pronostic d’une loi qui n’aura pas servi à grand chose si ce n’est encore à rigidifier davantage certaines dispositions du code du travail alors que nous avons besoin non seulement de souplesse mais surtout d’une reconnaissance de la dignité de chacun au travail et d’un renouvellement de la confiance faite à chacun.

Premier point les 61 principes proposés dans le rapport Badinter seraient repris intégralement dans un nouveau préambule du Code du travail

Toutefois, ces principes n’entreraient en vigueur qu’à l’issue des travaux de refondation du code confiés à une commission d’experts dans les 2 ans de l’entrée en vigueur du présent projet de loi. On notera que cela ne constitue guère une simplification du droit du travail, puisque le juge pourra interpréter ces dispositions et donc cela créera une incertitude juridique supplémentaire.

S’agissant du temps de travail, les dispositions législatives seraient réécrites selon les préconisations du rapport Combrexelle en 3 parties :

  • Les dispositions d’ordre public qui s’imposent à tous,
  • Les domaines ouverts à la négociation collective (entreprise ou branche),
  • Les dispositions supplétives, lesquelles s’appliquent à défaut d’accord collectif.

Les principales (maigres) nouveautés en matière de durée du travail

  • La durée maximale du travail serait portée de 44 heures en moyenne sur 12 semaines à 44 heures sur 16 semaines (ce qui ne change pas grand chose), toutefois par accord d’entreprise, elle pourrait être portée à 46 heures en moyenne sur 16 semaines consécutives
  • Le taux de majoration pour heures supplémentaires pourrait être fixé différemment de celui prévu dans la loi (25 % pour les 8 premières heures et 50 % pour les heures suivantes) par accord d’entreprise, à condition d’être au moins égal à 10 %. Néanmoins lorsqu’un accord de branche prévoit que le taux de majoration a un caractère impératif, ce taux ne serait apparemment pas modifiable par accord d’entreprise
  • La modulation du temps de travail pourrait être effectuée via un accord d’entreprise sur une durée pluriannuelle pouvant aller jusqu’à 3 ans et non plus limitée sur un an au plus. Cela voudrait dire par exemple que si la durée moyenne hebdomadaire ne dépasse pas 35 heures sur 3 ans, on pourrait aller jusqu’aux durées maximales du travail une année donnée, sans payer de majoration pour heures supplémentaires…
  • La modulation, sans accord d’entreprise, serait étendue sur une durée de 4 mois (contre 4 semaines aujourd’hui)
  • L’obligation de programmation indicative pour les anciens accords de modulation serait supprimée
  • Les forfaits-jours seraient sécurisés dans le sens où la responsabilité de l’employeur ne serait pas engagée si un salarié ne respectait pas de son propre fait ses temps de repos…
  • Il serait possible pour les entreprises de moins de 50 salariés de conclure des conventions de forfait annuel en heures ou en jours sans avoir à conclure un accord d’entreprise (donc par décision unilatérale de l’employeur, mais néanmoins avec l’accord de chaque salarié)
  • En cas d’astreinte, une intervention ne ferait que suspendre la période de repos minimal, cette dernière reprenant après l’intervention
  • La récupération des heures perdues serait assouplie, un accord collectif de travail pouvant désormais traiter le sujet
  • L’avis conforme du CE (comité d’entreprise) ou des DP (délégués du personnel) pour mettre en place des horaires individualisés serait supprimé
  • La consultation du CE ou des DP, en l’absence d’accord collectif, sur l’utilisation du contingent annuel d’heures supplémentaires et de son dépassement serait supprimée

La sécurisation judiciaire du motif économique de licenciement

  • Deux nouveaux motifs sont introduits à côté des difficultés économiques et des mutations technologiques : la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou encore la cessation d’activité de l’entreprise
  • De plus au titre des difficultés économiques seraient acceptées :
    • une baisse des commandes ou du CA (chiffre d’affaires) pendant 4 trimestres consécutifs en comparaison de la même période de l’année précédente
    • une perte d’exploitation pendant un semestre (possibilité de réduire ce temps à un trimestre par accord de branche)
    • une importante détérioration de la situation de trésorerie
    • tout autre élément de nature à justifier les difficultés économiques
  • Le périmètre d’appréciation du motif économique serait réduit au niveau du secteur d’activité commun aux entreprises du groupe implanté en France (et non plus au niveau international, ce qui empêcherait dorénavant le juge d’invoquer des bénéfices à l’étranger)

Les accords de préservation ou de développement de l’emploi

  • Nouvelle possibilité offerte de conclure des accords d’entreprise « offensifs » en vue de préserver ou maintenir l’emploi, sans durée limitée permettant de modifier la rémunération et le temps de travail qui s’imposeraient ainsi aux contrats de travail
  • Dans le cadre de ces accords, un refus du salarié serait soumis à un licenciement pour motif personnel (plus besoin de faire un plan social). Toutefois ces accords ne permettraient pas de diminuer la rémunération mensuelle du salarié (contrairement aux accords défensifs prévus sur le même sujet par la loi de sécurisation de l’emploi de 2013), mais a contrario, ils permettraient d’augmenter le temps de travail sans augmenter la rémunération

Plafonnement des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (entre 3 et 15 mois avec une division par 2 des indemnités en cas de nullité du licenciement économique ou pour inaptitude professionnelle)

  • Un barème est proposé, avec toutefois une faculté laissée au juge de fixer un indemnité en dehors du barème dans certaines situations présentant une particulière gravité comme par exemple le harcèlement, une atteinte à une liberté fondamentale, etc…

La négociation collective

  • L’accord de branche pourrait dorénavant adapter la périodicité des négociations obligatoires d’entreprise en les allongeant de 1 à 3 ans pour les obligations annuelles, jusqu’à 5 ans pour les obligations triennales et jusqu’à 7 ans pour les négociations quinquennales
  • A défaut de stipulation expresse, un accord à durée déterminée ne se transformerait plus à son issue en accord à durée indéterminée, mais le serait pour une durée de 5 ans
  • Pour qu’un accord d’entreprise soit valable, il devrait être dorénavant conclu par des OS (organisations syndicales de salariés) ayant recueilli au moins 50 % des suffrages au 1er tour des élections professionnelles. Toutefois, si une ou plusieurs organisations ne réunissent que 30 % des suffrages exprimés, elles seules, peuvent demander une validation de l’accord par référendum
  • Un accord collectif pourrait être révisé par une OS non signataire après la fin du cycle électoral des représentants élus du personnel
  • Un accord collectif pourrait être révisé par un salarié mandaté lorsque l’entreprise a perdu son ou ses DS (délégué syndical, nommé par une OS sur la base des résultats au 1er tour des élections du personnel) ou encore par les élus du personnel lorsque la loi le prévoit
  • Lorsque cela est prévu expressément, les dispositions d’un accord d’entreprise pourraient se substituer à celles d’un accord d’établissement (c’est-à-dire de rang inférieur) ayant le même objet
  • En cas de mise en cause d’accords collectifs (cession, fusion, scission), il serait possible de conclure un accord d’harmonisation (qui se substitue aux accords mis en cause et modifie les accords du cessionnaire –celui à qui a été faite une cession-) entre les différents partenaires sociaux du cédant et du cessionnaire
  • Les avantages individuels acquis seraient désormais limités au maintien de la rémunération annuelle du salarié concerné

Le compte personnel d’activité (CPA)

  • Le CPA reprendrait le compte personnel de formation (CPF) et le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) sans ajouter de nouveaux droits ou de coûts supplémentaires
  • Il prévoierait la création d’un portail d’information

Le droit à la déconnexion

  • Thème qui serait à aborder dans la négociation annuelle relative à l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail
  • A partir du 1er janvier 2018, les entreprises d’au moins 300 salariés devraient mettre en place une charte sur ce sujet
  • Concertation qui serait à engager sur le télétravail et du travail à distance

Dispositions diverses

  • Elles concerneraient la représentativité patronale, la médecine du travail, la formation professionnelle et l’alternance, la lutte contre le détachement illégal, la restructuration des branches (dans les 3 ans à venir, selon des modalités à définir par les partenaires sociaux), le portage salarial, etc…

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