Proposition de loi pour revitaliser le droit d’expression des salariés

Il s’agit de revitaliser le droit d’expression des salariés pour refonder le dialogue social. En effet, le droit d’expression des salariés institué en 1982 est resté quasiment lettre morte. Pourtant, il devrait être au cœur du dialogue social et source de légitimité de l’action des syndicats de salariés dont on connaît aujourd’hui la faible représentativité (seuls environ 8 % des salariés sont syndiqués).

Le cabinet Bruce Dévernois Avocat propose de toiletter la loi de 1982 pour remettre le droit d’expression des salariés au coeur du dialogue social. Il a rédigé la proposition de loi suivante visant à améliorer l’exercice du droit d’expression des salariés et à renforcer la représentativité des représentants élus et des organisations syndicales de salariés

On trouvera cette proposition de loi en cliquant ici

Les principaux extraits de l’exposé des motifs de cette proposition de loi sont repris ci-dessous :

Exposé des motifs

Le droit d’expression des salariés institué par la loi du 4 août 1982 et modifié par la loi du 3 janvier 1986 se voulait être un des éléments qui traduisent la reconnaissance effective de la capacité de tout salarié à participer comme acteur à part entière à la vie de l’entreprise et on pourrait ajouter aujourd’hui, à renforcer le « dialogue social ».

Il repose sur l’idée que le salarié qui exécute un travail occupe une place privilégiée pour en analyser les différents aspects et pour proposer les améliorations à y apporter. …

… Dans les faits, le droit d’expression des salariés est resté largement inappliqué

Pourquoi ? On peut citer les principales raisons suivantes :

1. une grande difficulté et un coût beaucoup trop important de mise en œuvre de façon utile et efficace : il est pratiquement impossible de faire des groupes de travail avec tous les salariés où chacun s’exprime sur de très nombreux sujets,

2. une restriction sur l’exercice de ce droit : les circulaires de 1982 et 1986 ont exclu, des sujets à aborder, à tort et de plus sans base légale, les questions qui se rapportent au contrat de travail, aux classifications, aux contreparties directes et indirectes du travail, à la détermination des objectifs généraux de production de l’entreprise. En effet et en particulier, les questions d’organisation et d’aménagement du temps de travail peuvent avoir un impact sur les contrats de travail et sur les contreparties directes et indirectes du travail… Restent, selon ces circulaires, les caractéristiques du poste de travail (conception de l’équipement, normes d’activité, horaires, sécurité, hygiène) et de son environnement direct et indirect (environnement physique, facteurs susceptibles d’avoir un effet sur la santé physique et mentale), les méthodes et l’organisation du travail, la répartition des tâches, la définition des responsabilités de chacun et des marges d’initiative qui lui sont laissées, les relations induites par le système d’organisation, les actions d’amélioration des conditions de travail (réduction des nuisances, prévention des accidents, allègement des charges de travail, amélioration des méthodes et des moyens de production, changements dans l’organisation du travail, élargissement et enrichissement des tâches, aménagements d’horaires, etc…),

3. une forte réticence des employeurs et des partenaires sociaux à venir confronter leurs idées et positions avec les perceptions des salariés concernant le fonctionnement de leur entreprise ainsi que leurs attentes concrètes en matière d’arbitrage entre temps de travail, temps libre, différentes formes de revenus, formation, etc,

4. s’ajoute probablement une troisième raison que la circulaire du 18 novembre 1982 avait bien cernée : « le droit de proposition reconnu aux salariés serait évidemment dénué de sens et serait générateur d’insatisfactions nouvelles si les suggestions qu’ils sont amenés à faire ne sont pas examinées par la direction de l’entreprise avec la plus grande attention et n’étaient suivies d’améliorations effectives. »

Au total, cette loi, restée inappliquée, n’a pu apporté les bénéfices escomptés, alors même que de nombreuses expériences conduites en entreprise en marge de ce droit d’expression ont montré combien une remontée des informations en provenance des salariés est riche en progrès tant pour les salariés que pour l’entreprise, que ce soit en termes de pouvoir d’achat et d’emploi ou de rentabilité, de compétitivité, et de pérennité de l’activité.

En effet, l’organisation du travail et de ses contreparties présentent pour chaque entreprise un enjeu particulier qu’aucune règle générale ne pourra jamais régler. Certes, il faut un cadre général, c’est le rôle de la réglementation, des partenaires sociaux dans le cadre d’accords collectifs tant au niveau interprofessionnel que professionnel de branches et, le cas échéant, des tribunaux s’agissant des interprétations concernant les conditions d’application de la réglementation.

Mais, ces interventions ne peuvent en aucun cas suffire et là comme dans d’autres domaines le principe de subsidiarité doit être mis en œuvre. En effet, il y a un certain nombre de sujets qui ne peuvent être traités efficacement qu’au niveau de l’entreprise. Et pour assurer cette efficacité, toute action conduite par les employeurs et les représentants de salariés, notamment dans le cadre d’accord d’entreprise ou d’établissement doit très directement se nourrir et s’appuyer sur ce que ressentent l’ensemble des salariés à ce niveau.

En effet, le « collectif » des salariés de chaque entreprise ou établissement est le mieux à même de sentir, aux contacts des clients, les manques et les dysfonctionnements de l’organisation qui mettent en jeu la compétitivité de leur entreprise. L’expression de ce collectif est nécessaire pour que l’employeur et les représentants des salariés soient en mesure de bien comprendre :

• les perceptions des salariés concernant l’organisation du travail dans leur entreprise relativement aux besoins des clients exprimés sur un marché,

• leurs attentes, par définition fluctuantes dans le temps en fonction du cycle et des choix de vie de chacun, en matière de temps travaillé, de production de valeur ajoutée, de rémunération et de formation,

• leurs perceptions s’agissant de la relation incontournable non pas entre temps de travail et rémunération mais très fondamentalement entre production de valeur ajoutée et rémunération, seule garantie de la production de richesse et de la pérennité d’un fonctionnement efficace de l’économie d’un pays.

La mesure concrète des perceptions et des attentes des salariés dans ses matières est essentielle à la bonne marche et la bonne santé de chaque entreprise. C’est à partir de la mesure de ces enjeux fondamentaux que l’organisation du travail doit être constamment adaptée au sein de l’entreprise. Cette organisation implique une évolution inéluctable de la gouvernance des ressources humaines où le salarié ait plus souvent qu’aujourd’hui l’occasion de développer ses talents et d’accroître son intérêt au travail, son niveau de responsabilité et sa rémunération en fonction de sa propre valeur ajoutée évaluée de façon objective. Cette évolution, en phase avec la demande de la société de toujours plus de liberté et d’accomplissement individuel, passe également par une évolution progressive du rôle de l’encadrement vers un rôle de support avec moins de contrôles rigides.

La présente proposition de loi vise à favoriser ces évolutions et à organiser de façon plus simple, plus efficace et beaucoup moins coûteuse que les précédents textes ne l’ont organisé, l’exercice du droit d’expression de façon à ce que :

1. les salariés puissent effectivement s’exprimer, dans la mesure où il le souhaite, sur les conditions générales dans lesquelles s’exerce leur contribution à la bonne marche de l’entreprise et se sentent ainsi reconnus et considérés, ce qui constitue indéniablement l’un des éléments primordiaux du socle de la lutte contre l’actuel mal être au travail, l’absentéisme, le stress, la propension aux suicides, etc,

2. les syndicats, qui ont le monopole de la négociation, puissent alimenter et baser leur négociation sur les avis et les remarques des salariés, renforçant ainsi largement leur légitimité et leur représentativité, la présente proposition de loi venant parachever et compléter la loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale,

3. les entreprises puissent développer de nouvelles formes de gouvernance des ressources humaines permettant à la fois de faire face aux variations inéluctables de leur activité et aux désirs grandissant d’autonomie et de réalisation des salariés dans leur travail.

Bruce Dévernois, Avocat

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