Que disent les salariés de leur entreprise taylorienne ?

Interrogés par le cabinet Bruce Dévernois Avocat, des milliers de salariés dans des centaines d’entreprises (organisées hiérarchiquement de façon classique) ont répondu, depuis plus de 20 ans, à 400 questions sur les perceptions qu’ils ont du fonctionnement de leur entreprise, sur les arbitrages qu’ils souhaitent faire entre temps libre, temps travaillé, rémunérations immédiate, différée et indirecte, et sur leurs perceptions de la formation.

Ils disent toujours la même chose :

  • « Si vous saviez ce qu’on est mal organisé : on ne connaît pas les délais, la qualité, les systèmes d’information, les clients, les réclamations … »,
  • « On se réunit bien trop souvent et surtout de manière inutile »,
  • « On n’est pas managé »,
  • « Le travail n’est pas équitablement réparti »,
  • « On ne nous dit rien, on ne nous informe pas, on ne connaît pas la stratégie et la vision de l’entreprise
  • « On ne nous dit pas bonjour, on ne nous sourit pas »,
  • « On ne tient pas compte de ce que nous disons (pas d’écoute) »,
  • « Les entretiens individuels annuels ne servent à rien »,
  • « On est bien trop sous-payé »,
  • « La formation que nous recevons est complètement inadaptée »,
  • « On nous impose de la flexibilité idiote »,
  • « On ne tient pas compte de notre cycle de vie pour, sur la base du volontariat, organiser notre temps et notre rémunération »,
  • « L’emploi est une résultante de « l’organisation » pyramidale face à la conjoncture et non pas fonction de notre implication au travail »,
  • « On voudrait être consulté sur la façon de nous organiser en matière de production, de temps et de rémunération »,
  • « Du temps libre on n’est pas contre, mais surtout, ce que l’on veut c’est des sous et la pérennité de notre emploi ».

De plus, 50 % des salariés interrogés sont prêts, à tout moment, à accepter une charge de travail bien supérieure, sous réserve que cela soit sur la base du volontariat (donc non subi) et se traduise par plus de revenus correspondants.

Intérêt de la flexibilisation souhaitée par les salariés

L’expérience montre qu’environ 20 % de ces 50 % de salariés veulent chaque année revenir à une charge de travail plus légère et fixe, compatible avec leurs obligations familiales et personnelles du moment.

Mais dans le même temps et inversement, environ le même pourcentage de ceux qui n’avaient pas accepté une charge de travail supérieure et/ou à forte variance l’année n, sont prêts à s’engager dans une telle charge de travail pour l’année n+1, moyennant un revenu correspondant temporaire.

Au total, statistiquement, du fait de ce turn-over, le système est équilibré. Il permet de variabiliser les coûts fixes au-delà de la durée légale du travail et ainsi de capter de nouveaux marchés non nécessairement pérennes et aujourd’hui délaissés.  Des économies de gestion peuvent être ainsi réalisées (formation, recrutement, licenciement, équipement, etc) qui peuvent être de l’ordre de 20 à 30 % de l’ensemble des coûts correspondants, voire plus. Ainsi, en flexibilisant la durée du travail au-delà de le durée légale du travail, l’entreprise peut non seulement apporter un pouvoir d’achat supplémentaire à ses salariés présents sans pratiquement de coûts supplémentaires, notamment du fait d’une productivité accrue (aucun travail supplémentaire n’étant imposée, les salariés volontaires sont, par expérience, beaucoup plus productifs), mais ses résultats sont mécaniquement multipliés.

Un premier pas vers la détaylorisation

Ce type de flexibilisation souhaitée par la majorité des salariés peut constituer un premier pas vers la « détaylorisation ». En effet, ce sont désormais les salariés qui choisissent de prendre des missions supplémentaires pour lesquelles ils sont payés de manière supplémentaire. Si cette nouvelle façon de gérer le temps est accompagné d’un paiement en fonction de la réussite de la mission supplémentaire acceptée avec une déconnexion de la hiérarchie, on voit comment on peut mettre en place progressivement une « détaylorisation » et les principes d’une cerveaufacture ou encore, autrement, dit d’un cerveau d’oeuvre (par opposition à main d’oeuvre).

Un effet macroéconomique fort sur le travail et l’emploi

S’il était étendu à l’ensemble des entreprises, il permettrait d’enregistrer, toutes choses égales d’ailleurs, entre 0,5 et 1 point de PIB supplémentaire par an en prenant en partie en compte l’effet multiplicateur lié à la détaylorisation, soit entre 70 000 et 140 000 emplois créés par an (évaluation à partir des travaux économétriques de Gilbert Cette et Bruce Dévernois). Un impact non négligeable à l’heure où la France enregistre une faible croissance.

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